10 h 30 sur le site : la dévastation
Les camions de pompiers sont sur place, les premières images sont saisissantes. Des blessés, vêtus de la combinaison bleue du site, sortent de l’usine. Beaucoup d’entre eux ont les vêtements arrachés, certains ont le visage en sang. Un homme couvert de sang, le pantalon déchiré réclame un portable : « Il faut prévenir mon amie, elle arrive en train, ce n’est plus la peine qu’elle vienne, dites-lui que j’ai eu un accident.» Complètement sonné, il serre contre sa tête une compresse ensanglantée.
Un peu plus loin, une jeune femme en tailleur, elle aussi couverte de sang s’acharne à mettre en marche la radio d’une voiture totalement défoncée par le choc, le pare-brise explosé. Sans vraiment se rendre compte de son état, elle cherche des bribes d’information. Plusieurs personnes gisent à terre, couchées sur le côté, sous des couvertures de survie. Les dernières personnes qui sortent de l’usine ont l’air hagard. « Les plafonds nous sont tombés dessus, les bureaux ont été soufflés, les vitres ont explosé, c’est pour cela qu’il y a autant de blessures à la tête», confirme une jeune femme, qui s’empresse à donner les premiers soins. Une de ses jeunes collègues a reçu une armoire sur le corps. Livide, elle ne peut plus se déplacer seule.
A la barrière, on pointe les identités, nul ne peut sortir sans donner son nom. « Ici, nous n’avons que des blessés, vingt ou trente » annonce un responsable du service sécurité qui s’est improvisé à la sortie de l’usine. Le chef du personnel, sort, lui aussi a le visage en san, les yeux noircis, et porte des traces du choc. Il va d’un groupe à l’autre, donnant des nouvelles. Tous les ateliers ont été évacués. Tandis que des blessés sont encore à terre, les pompiers demandent d’évacuer la zone de peur d’une nouvelle explosion, tous les employés doivent se rendre à pied à la piscine Nakache.
Commence alors un long défilé, qui n’est pas sans rappeler celui vu dans les rues de New York il y a quelques jours. Calmes, sonnés, ensanglantés, des centaines de personnes s’en vont à pied le long de la Garonne. Beaucoup pressent un mouchoir sur leur visage, leur bras. La plupart marchent sans paraitre se rendre compte de leurs vêtements couverts de sang. Certains s’écroulent d’un coup en sanglots dans les bras de leurs collègues. Tous se jettent sur les téléphones portables, totalement saturés. On cherche à rassurer un proche, on s’inquiète des enfants.
L’immense colonne arrive enfin, un gros quart d’heure plus tard à la piscine Nakache. Là, les blessés et les personnes indemnes reçoivent les premières bouteilles d’eau, des flacons de collyre, certains sont mis sous oxygène mais aucun médecin n’est présent sur le site. Il n’y en aura pas pendant plus d’une heure malgré les demandes réitérées des pompiers. Tous les secours sont mobilisés sur le site d’AZF.
A Nakache, les secours s’organisent avec des infirmières présentes sur les lieux, des secouristes bénévoles. Des chaises sont sorties de la salle Mermoz, les rideaux décrochés servent de couverture pour les blessés. Des distributions d’eau, de coca sont faites. Des ouvriers se jettent sous les douches de la piscine pour se débarrasser du sang et de la poussière. Petit à petit, d’autres victimes arrivent. Une étudiante de la cité universitaire voisine raconte qu’elle est sortie de sa chambre, torse nu, un éclat de verre planté dans le bras. A peine soignée, elle repart en sens inverse à la recherche de ses amis.
Les premiers employés indemnes d’AZF arrivent alors, secoués. Un camionneur raconte : « Je venais de descendre de mon camion, le temps de revenir, la cabine avait totalement basculée, mes affaires en vrac à l’intérieur. On s’est tout de suite rendu compte que c’était grave. A quelques dizaines de mètres, tout était plié. » Dans le ciel, les hélicoptères tournent sur le site, les sirènes des pompiers et des ambulances retentissent. Ceux qui ont eu la chance de ne pas être blessés n’ont plus qu’une idée en tête : rentrer chez eux, rassurer leurs proches.
Les ouvriers de la SNPE arrivent à pied, en bleu de travail. Beaucoup portent leur masque à gaz en bandoulière. Certains sont ensanglantés, mais suffisament valides pour marcher jusqu’aux jardins de la piscine, où un poste médical avancé est organisé à leur attention. Les pompiers viennent de décider d’étendre le périmètre de sécurité autour de la zone chimique. Après la passerelle métallique de la Poudrerie, construite jadis pour permettre aux ouvriers résidant pour la plupart à Empalot de se rendre au travail ou au Stade, on ne passe plus.
Des photographes mitraillent l’amas fumant de poutres d’acier et de béton, depuis le pont qui relie le site de la SNPE à celui de l’usine AZF. Tout est rasé. La tour rouge et blanc domine le sinistre, intacte. Tout est soufflé à terre. Une demi-douzaine de camions citernes se retrouvent les uns contre les autres.
Le chemin de la Loge est recouvert de gravats, une dizaine de voitures sont brisées, des camions défoncés, des canalisations d’eau éventrées. Le dépôt de la Semvat a pris de plein fouet l’explosion, ses bus gisent en ligne. Les bordures de ciment, au ras du sol, sont pulvérisées. On parle d’un cratère de 20 mètres, on parle d’une vingtaine de disparus, on parle de nouvelles émanations de gaz toxiques.
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